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Le vrai-faux sur le gluten

On n’aura jamais autant entendu parler du gluten qu’aujourd’hui. À l’heure où les produits sans gluten sont de plus en plus à la mode, on a décidé de démêler le vrai du faux à l’aide du nutritionniste Anthony Berthou.

 

Mais qu’est-ce que le gluten ? Le gluten est une protéine que l’on retrouve dans certaines céréales et qui permet la germination du grain. Il est présent en abondance dans le blé, mais aussi dans une moindre mesure dans des céréales comme l’avoine, l’orge ou le seigle.

 

Le mot “gluten” vient de “glu” signifiant colle, ce qui permet de comprendre son rôle. En effet, en créant un maillage élastique de la pâte lorsqu’elle est hydratée, le gluten permet à cette dernière de lever.

 

 

Seul 1% de la population a un problème avec le gluten : FAUX

 

 

La maladie coeliaque est une pathologie auto-immune qui concernerait environ 1% de la population française (mais une grande partie des malades coeliaques ne seraient pas diagnostiqués aujourd’hui – le chiffre varie de 30% à 80% en fonction des études). En revanche, on estime qu’au moins 5 à 10% des personnes auraient également une hypersensibilité au gluten pouvant se traduire par des douleurs intestinales, de la fatigue, des maux de tête, ou encore des douleurs articulaires.

 

 

Le gluten peut perturber notre organisme : VRAI

 

L’intestin grêle est l’organe qui a pour rôle d’assurer la digestion des aliments, et de les transformer en des éléments assimilables par notre organisme. L’intérieur de l’intestin est constitué d’une couche très fragile : la muqueuse intestinale. Cette muqueuse assure une fonction clé de protection car elle sert de barrière afin de ne pas laisser passer les molécules trop grosses qui pourraient être nocives pour l’organisme. Elle a ainsi pour mission d’empêcher le passage excessif des toxines, des mauvaises bactéries ou encore des virus.

 

Cette muqueuse est constituée de cellules très serrées qui assurent son imperméabilité. Mais différents éléments peuvent venir agresser la muqueuse et le microbiote intestinal, et perturber leur fonctionnement : prise d’antibiotiques, consommation excessive de protéines, mastication insuffisante, pesticides, édulcorants, consommation importante de gluten…

 

Ils contribuent alors à ce qu’on appelle la perméabilité intestinale : ils altèrent la jonction entre les cellules de la muqueuse, qui vont alors s’écarter. En conséquence, la muqueuse intestinale devient plus perméable et laisse passer des protéines qui n’auraient normalement pas dû passer, comme des extraits de membranes de bactéries, les protéines de gluten ou encore les peptides issus des protéines de lait ! Imaginez une passoire dont les trous trop gros laisseraient passer les grains de riz que vous égouttez : de la même manière, les éléments indésirables vont ainsi potentiellement traverser la paroi intestinale, puis se retrouver dans le sang.

 

 

Notre organisme va alors chercher à se défendre contre ces éléments qui ne sont pas les bienvenus dans notre sang, en particulier lorsque la présence de ces fragments dans le sang est associée à une perturbation de notre microbiote (appelée dysbiose).

 

Cela peut entraîner des réactions immunitaires et inflammatoires et contribuer aux risques d’apparition ou à l’entretien de troubles fonctionnels et d’hypersensibilités alimentaires. On peut notamment citer les inconforts digestifs, les inflammations intestinales, les migraines, voire une augmentation des risques de déclenchement d’infections à répétition, de pathologies inflammatoires chroniques ou auto-immunes en cas de prédisposition génétique (eczéma, asthme, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, otites et bronchites à répétition, etc.).

 

 

Qu’est-ce que le microbiote ?

Notre intestin est peuplé d’environ 100 000 milliards de bactéries appartenant à plus de 1000 espèces différentes. Ces bactéries constituent ce qu’on appelle le microbiote (ou flore intestinale).

Ces bonnes bactéries sont essentielles au bon fonctionnement de notre organisme car elles luttent contre les mauvaises bactéries et les germes pathogènes en contribuant à leur destruction. Elles nous aident ainsi à nous défendre contre les bactéries, virus et autres parasites.

On sait aujourd’hui qu’un microbiote intestinal déséquilibré est impliqué dans diverses maladies comme l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers, les troubles de l’humeur, les maladies neurodégénératives, les maladies auto-immunes telles que la sclérose en plaque.

 

Mais attention, ce n’est pas le fait de manger un simple morceau de pain qui vient perturber le fonctionnement de notre organisme chez la plupart des personnes. Une telle réaction exacerbée de l’organisme est avant tout la résultante d’un ensemble de facteurs, et notamment :

 

  1. La prédisposition génétique : certains individus tolèrent davantage le gluten alors que d’autres vont déclencher des réactions plus facilement.
  2. La perturbation du microbiote intestinal.
  3. La présence d’autres facteurs venant perturber la perméabilité intestinale. Le gluten n’est pas le seul à perturber son fonctionnement, d’autres éléments entrent en jeu : consommation excessive de glucides ou de protéines, mastication insuffisante, prise répétée d’antibiotiques, consommation importante de lait de vache, etc.

 

Ainsi, si le gluten peut contribuer à favoriser la perméabilité intestinale, c’est la réponse qui peut être variable en fonction des individus : une majorité ne souffrira de rien, alors que les autres pourront déclencher l’une des réactions mentionnées ci-dessus.  La tranche de la population susceptible de réagir reste néanmoins assez faible (5 à 10% des individus) et les données scientifiques sont encore insuffisantes pour établir un pourcentage précis de personnes concernées.

 

Le gluten ne peut donc pas déclencher à lui seul une pathologie quand il n’y a pas de fragilité initiale ni d’autres facteurs venant perturber le rôle de protection de la muqueuse. Une telle réaction exacerbée de l’organisme est avant tout la résultante d’un ensemble de facteurs.

 

 

Avant, le blé posait moins de problème : VRAI

 

Le gluten est ce qui permet l’élasticité d’une pâte. Les variétés ancestrales de blé étaient bien moins riches en gluten que nos blés modernes.  Mais, afin d’augmenter les rendements et nourrir la population mondiale, les gènes du blé moderne ont été modifiés via de nombreux croisements entre différentes variétés, afin d’augmenter la concentration en gluten des variétés de blé et rendre ainsi la pâte plus élastique. Notre organisme se retrouve donc à devoir assimiler une quantité beaucoup plus abondante de gluten aujourd’hui.

 

Ainsi, le petit épeautre est une variété de blé qui contient beaucoup moins de gluten et qui est mieux tolérée. En effet,  il s’agit d’une variété plus ancestrale de blé par rapport au blé moderne que l’on consomme classiquement, et qui déclenche alors moins de réactions de type immunitaire ou inflammatoire. Le petit épeautre est différent de l’épeautre, une variété qui contient davantage de gluten que le petit-épeautre mais qui est tout de même plus intéressante que le blé moderne.

 

 

Réduire le gluten peut permettre de se sentir mieux : VRAI

 

À moins de souffrir d’une hypersensibilité au gluten, il n’y a pas de raison d’éliminer le gluten de son alimentation. En revanche, réduire sa consommation de gluten ne peut qu’optimiser la santé générale, dans la mesure où cela contribue à limiter les risques d’atteinte de la muqueuse. À condition bien sûr que cela s’intègre dans une hygiène alimentaire globale.

 

Par ailleurs, il faut savoir que 10 à 40% de la population serait intolérante aux fructanes selon les études. Or, les fructanes sont un type de fibres que l’on retrouve en abondance dans le blé et qui vont provoquer des troubles digestifs : diarrhées, ballonnements, gaz, etc. Si vous souffrez régulièrement de troubles digestifs, il est conseillé de supprimer tous les aliments contenant des fructanes avant de les réintégrer petit à petit, après avoir réalisé un vrai travail sur l’écosystème intestinal dans son ensemble. En dehors des produits contenant du gluten, les fructanes sont aussi abondants dans de nombreux végétaux.

 

 

Manger sans gluten permet de maigrir : FAUX

 

Le gluten est une protéine : il ne fait donc pas grossir en soi. Le régime sans gluten peut faire maigrir dans la mesure où on va supprimer le pain, les pâtes, les pizzas, les biscuits ou encore les pâtisseries, mais cela à condition de ne pas les remplacer par d’autres produits sans gluten tout aussi gras et sucrés.

 

 

Les aliments industriels « sans gluten » sont plus sains : FAUX

 

Lorsque les industriels éliminent le gluten de leurs produits, ils rajoutent très souvent de nombreux additifs pour compenser la perte de saveur et de texture. Par ailleurs, éliminer le gluten n’empêche pas un produit d’être trop gras, trop sucré ou trop salé. Ne choisissez donc pas des produits sans gluten en pensant que vous allez mieux manger avant d’avoir regardé en détail leur composition.

 

 

Manger sans gluten peut conduire à des carences : FAUX

 

Si éliminer ou réduire le gluten implique effectivement de supprimer certains types d’aliments, cela permet aussi de varier son alimentation en réintégrant d’autres aliments comme les légumineuses (haricots secs, lentilles, pois chiches, etc.) ou d’autres céréales que le blé (riz, sarrasin, millet, etc.).

 

Des carences peuvent être observées uniquement dans le cas où les produits contenant du gluten ne seraient remplacés que par des produits industrialisés sans intérêt nutritionnel, ce qui n’est bien sûr pas du tout recommandé.

 

Si vous ne pouvez pas vous passer de pain, il existe aussi des alternatives réalisées à partir d’autres farines que la farine de blé.

 

Si tout cela vous semble bien compliqué et que vous avez besoin d'être aiguillé au quotidien, je vous invite à me contacter pour un bilan alimentaire et digestif, je vous donnerai des conseils sur ce que vous pouvez intégrer dans votre alimentation sans risque 😊

 

 

Merci à Yoka pour cet article très complet : Source

 

Sources

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